Après le prestigieux prix Rolex décroché en 2014, ainsi que d’autres distinctions, Arthur Zang vient de remporter en Tanzanie l’« Africa prize for engeneering innovation » au terme d’une compétition organisée par la Royal Academy of engeneering, une institution britannique. Le mérite du jeune informaticien camerounais est d’autant plus éclatant qu’il a supplanté quelque 900 concurrents de 42 pays africains qui se trouvaient sur la ligne de départ. A la vérité, cette autre récompense ne peut surprendre les observateurs avertis qui ont suivi le trajet scientifique de l’inventeur du Cardiopad, une tablette tactile qui permet de faire le diagnostic à distance des problèmes cardiaques. On se rappelle notamment que ce jeune compatriote figurait parmi les personnalités à l’affiche de la récente conférence économique internationale de Yaoundé qui avait réuni un millier de participants les 17 et 18 mai courant.

Il va de soi que les lauriers engrangés, jour après jour, par Arthur Zang ne peuvent que déteindre positivement sur son pays, le Cameroun et ses concitoyens qui ont multiplié à son endroit ces deux dernières années des marques de sympathie et d’encouragement. Pour autant, la réaction pour le moins mitigée des milieux scientifiques locaux et des cercles décisionnels laisse un peu songeur. A en croire le jeune inventeur, sur les 53 spécimens du Cardiopad vendus à ce jour, seulement cinq appareils ont été achetés par son propre pays.

Comment comprendre un tel état de choses ? De fait, la gêne, voire la perplexité que suscite une telle attitude questionnent cruellement notre patriotisme économique préconisé par le chef de l’Etat. On se souvient, en effet, que lors de son message à la nation le 31 décembre 2013, le président Paul Biya avait souligné que « nous sommes un peuple d’individualistes plus préoccupés de réussite personnelle que d’intérêt général ». Avant d’exhorter les uns et les autres à se montrer « fervents patriotes lorsque l’honneur national est en jeu ».

En convoquant des faits antérieurs, on peut se demander si cette indifférence récurrente dans des domaines aussi variés que la culture, le sport, la recherche scientifique ne devrait pas être considérée par la marque distinctive du Cameroun et des Camerounais.

Que l’on se souvienne à cet égard que des inventions que les milieux spécialisés trouvaient dignes du plus grand intérêt et réalisés par certains de nos compatriotes ont essuyé par le passé un mutisme assourdissant de la part de leurs pairs nationaux. On citera le cas de cette médication contre les hépatites de Dr. Ekotto Mengata de regrettée mémoire qui était plus souvent prescrite par les médecins étrangers que par ceux exerçant ici. D’autres praticiens, en dépit d’une réputation établie au-delà des frontières nationales ont été tout simplement tournés en dérision par leurs pairs. Le cas du Pr. Victor Anomah Ngu, lui aussi disparu il y a quelques années, qui s’était illustré par ce « Vanhivax » qui fit couler tant d’encre et de salive. Sans que leurs contempteurs n’aient rien trouvé de mieux à proposer…

Pour le cardiopad, voici un jeune homme talentueux et entreprenant dont le cheminement est de nature à inspirer le bien de ses congénères autour de lui. Il est salué, adoubé sous d’autres cieux mais pas suffisamment accompagné et soutenu dans sa généreuse entreprise. Lorsque vient à jaillir un génie au sein de la jeunesse, symbole d’un avenir prometteur, n’est-il pas du devoir de tous de l’encadrer, de le promouvoir, de le valoriser au mieux ? A travers des actions fortes, engagées, concrètes. Nous voulons bien souscrire à l’aphorisme selon lequel « nul n’est prophète chez soi ». Cependant l’alibi nous semble mince et peu recevable dès lors que l’objectif poursuivi est de rechercher un progrès social solidaire. En la matière, l’indifférence est signe de démission, de déficit patriotique. Cela est douloureux et inacceptable.