Différents facteurs ont entraîné d’importantes pertes financières qui inquiètent ce secteur névralgique de l’agro-industrie.
C’est actuellement le grand écart, à la Société de développement du Coton (Sodecoton). Entre les chiffres de la production du coton-graine,
qui pour l’année 2015 affichent un plutôt un bon crû avec 295.400 tonnes produites représentant une croissance de 38% en trois ans, et les comptes de la société qui accusent d’importantes pertes pour la deuxième année consécutive, bien des questions entourent la situation, mais surtout l’avenir de ce géant agro-industriel, principal pivot économique de toute la zone septentrionale.
A l’origine des difficultés financières de la Sodecoton, un effondrement des cours du coton sur le marché mondial. Il y a trois ans encore, les meilleures qualités de fibres cotonnières se plaçaient à près de 1200 F/kg à l’international, explique une source proche de l’entreprise. Mais avec la chute du cours du pétrole, la Chine, principal vendeur de produits textiles dans le monde, s’est tourné vers les fibres synthétiques à partir d’or noir, faisant ainsi chuter les prix qui sont actuellement à 823 F/kg. Dans ces conditions, les prix d’achat du coton-graine aux producteurs camerounais à 265 F/kg, l’un des plus élevés du continent, ne permettent plus à notre or blanc une pleine compétitivité. Ils ont, toutefois, été maintenus par le gouvernement, pour assurer un maintien du niveau de vie des paysans du grand nord.
Du fait de l’insécurité causée par Boko Haram dans l’Extrême-Nord, beaucoup des bassins de production de cette région n’ont pas eu le niveau escompté lors des deux dernières campagnes. Mais ce déficit est moins dommageable que les pertes enregistrées sur le coton produit. En effet, les arrivées prématurées des pluies ont détérioré une quantité considérable du coton-graine, avant même qu’il n’arrive en usine. Notre source indique à ce sujet que les procédures de passation des marchés avaient contraint la Sodecoton à acquérir des camions inadaptés aux conditions de route de la région, au motif qu’ils étaient les moins disant. Ces moyens roulants tombés en panne, l’enlèvement et le transport du coton depuis les zones de production jusqu’aux usines d’égrenage, est devenu problématique. Lors de la campagne 2014, on évoque le chiffre de 30.000 t ainsi perdues, qui représentent autant de coton que la société ne peut dès lors plus revendre, alors même que ces balles de coton sont payées aux producteurs dès la pesée.
Avec le déficit en énergie électrique et la vétusté de certains équipements, les neuf usines d’égrenage prévues pour triturer le coton-graine pour en faire de la fibre, sont aujourd’hui incapables de traiter les quantités produites. En visite à la Sodecoton, un ancien ministre de l’Agriculture suggérait déjà d’explorer la voie d’une plus grande transformation locale du coton camerounais pour alimenter la filière textile nationale. Jusqu’ici, seule la CICAM, qui reçoit près de 5% de la production cotonnière nationale, utilise cette matière première sur place. Il est dès lors impératif de réhabiliter les structures existantes mais aussi de construire de nouvelles usines d’égrenage, d’autant plus que l’entreprise envisage de porter sa production à 600.000 tonnes d’ici 2020.